La France Petit Nicolas

Le prix Renaudot 2013 fustige une France infantile,immature,irresponsable,une France égoïste et pleutre qui n'a jamais eu peur de vieillir mais qui a peur de grandir.
Nous pourrions, dans ce fabuleux pays, la France,exercer sur le réel autre chose qu'un puéril droit d'enfantillage. Les Français se comportent finalement comme des enfants d'une cour de récréation géante dans laquelle chacun, persuadé du bien fondé narcissique de son magistère, viendrait à polluer toute entité qui ne serait pas lui-même. Enfantillage nauséabond,pour commencer,de celui qui dénonce, exclut, humilie son petit camarade parce qu'il est différent des autres, soit qu'il soit juif, ou bien arabe, ou Africain. Enfantillage misérable du peigne-cul qui, pour se donner la sensation d'exister quand le talent, l'intelligence ou la personnalité lui font défaut, tabasse à la sortie, fréquente l'insoutenable, maquille de croix gammées les murs de l'école communale. Anale régression, pathétique immaturité des dérisions permanentes, ici dans un tweet infamant, là dans une petite phrase politique tout droit sortie des cabinets. France qui tourne en rond dans la cour, se punissant elle-même. France de l'ironie, France d'enfants gâtés qui, s'ennuyant le dimanche, en proie à un vide abyssal, s'en prennent au matériel public, narguent les flics, font les clowns à perte de show, fument en cachette et réclament perpétuellement des récompenses, des médailles, de la sécurité, des friandises, de l'argent de poche. Les livres savants qui glosent sur le malaise français vaudront moins qu'un épisode du Petit Nicolas pour dire le vertige qui nous étreint : égoïsme à tous les étages, incessante pleutrerie, gourmandise à gogo, fayotages permanents, accusations déplacées, recherche du père, subsidiarité de la mère. Boules puantes, ragots, cancans, niaiseries : l'essentiel est occulté par des paillettes de surboum, par des préoccupations de petits pions. Il y a une France adulte qui travaille et peine, et une France irresponsable, parallèle à la première, qui refuse de s'arracher à cette récré qui dure. Qu'on n'accable pas les journalistes : c'est la société tout entière qui s'exhibe au tout-venant, se découpe elle-même en tranches de scoops préparés, de scandales prémâchés, de provocations calibrées. L'idée, infantile, est de se faire remarquer, de proposer son ego en lieu et place du réel. De répéter en boucle les mêmes scénarios. Infantilité, immaturité de celui, de celle qui, au lieu d'avancer, préfère la nostalgie du bas âge et les promesses du passé. France qui barbote ; France en barboteuse. France qui n'a jamais eu peur de vieillir, mais qui a peur de grandir. France engoncée dans des préjugés de cancres pré-pubères, France potache qui se rit de tout. France qui refuse de se taire cinq minutes et de s'appliquer. France qui ne cesse de se montrer à elle-même ses propres fesses. France qui se tire dans les pattes. France bloquée dans son âge mental et qui ne cesse de faire la maligne. France en crise et qui, devant l'évidence de son impuissance, continue à jouer les caïds, les fiers-à-bras, exhibant la pauvre crevette qui gît entre ses jambes comme le chibre fulgurant d'un colosse biblique.
YANN MOIX Prix Renaudot 2013

j' avais pas vu , c' est très bon et très décapant !!!!!

Pa mal cette vision de vielle peur génétiquement ancrée des français

Patogaz,j'avais été surpris de ne pas avoir ta réaction.